•    Nous y voilà ! Quel endroit merveilleux, je n'aurais pu rêver mieux. Le calme... Tout ce dont j'avais besoin. Loin de tout, loin des autres surtout. Je suis parti pour un nouveau départ, un voyage sans retour. Bien entendu quelques-uns vont me manquer. Heureusement il y a les souvenirs, impérissables. C'est suffisant. Chacun doit mener son petit bout de chemin dans la vie. Il peut y avoir des routes qui se séparent, c'est régulier. La mienne m'amène ici, dans ce petit havre de paix. Ce petit espace de liberté en marge de toute la folie abominable de la société. Le silence, rien de plus. Ne rien avoir à dire à personne, ni devoir s'expliquer. Seulement contempler la Nature, l'écouter, la comprendre. Un retour aux sources en fin de compte. A force d'une évolution hasardeuse elle aura commis une erreur fatale notre Mère Nature : engendrer notre vile existence. Alors bien sûr tout le monde est content, on arrive à comprendre certaines choses, s'inventer un habitat, des règles qui vont avec et même jusqu'à envoyer des guignols dans l'espace. Bravo ! bel exploit ! Et après ? Que va-t-on trouver pour se dépasser ? Avons-nous déjà réfléchi à toute l'absurdité de la chose ? La seule chose dont on est sûr c'est qu'on finira six pieds sous terre, le reste c'est du vent !

        Voilà que je m'emporte à force de réfléchir sur l'humanité. Je suis mauvaise langue c'est vrai, on peut faire de belles choses. Il s'agit juste de choisir ses priorités, ses objectifs et de ne pas râter le bon moment pour attraper les bonnes opportunités qui se présentent. Il y en a qui ne se présentent qu'une fois. D'autres qu'on attend toute une vie en vain. Il faut à la fois de la chance et du flair pour ce genre de choses. Savoir faire les bons choix... C'est tout un art. Le plus dur dans tout ça c'est que ces choix sont bien souvent fonction des autres. A partir de là, bonjour pour appréhender la chose. Autrui n'est pas une variable facile à déterminer, presque aléatoire. Là où je suis je n'aurais plus à me préoccuper de ça, c'est déjà un bon point. J'écoute la douce musique du vent. J'oubliais à quel point l'homme était un être de sentiment, capable de déceler de la beauté dans les choses les plus simples. J'ai toujours rêvé d'être un artiste, pouvoir capter le beau dans une création, bien que la création ne soit au final qu'une pâle copie de notre ressenti qui est propre à chacun. Transmettre tout cela à ceux qui en valent la peine... Tout ceci est trop tard. Comme dirait mon cher Bardamu, je ne crois pas à l'avenir.

        J'admire pendant encore quelques instants ce dernier coucher de soleil au loin. Je suis prêt.

    Nicolas


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  •     Prochain train dans trois minutes, le suivant dans sept minutes... Y avait déjà du monde sur le quai, et ça faisait qu'empirer. Trois minutes à cette heure-ci c'est déjà trop. Ça commençait sérieusement à s'agglutiner derrière moi, et puis à gauche, et puis à droite... Mais moi j'étais idéalement placé. Je connaissais l'endroit exact où cette foutue porte se trouvait une fois la rame arrêtée. L'habitude ça peut être pratique. Ça me foutait sacrément en rogne quand un de ces salauds était à ma place. Il avait bien de la chance ce cocu ! Pile au bon endroit. Je déteste ces gens-là ! Ah ! Le hasard fait bien les choses pour les autres oui ! Dans ces cas-là, faut se mettre juste sur le côté en espérant que l'autre se fasse happer par le flot sortant. Qu'il se noie dans cette masse qui jaillit lorsqu'elle est libérée de cette cocotte-minute sur rail. Au moins qu'il soit repoussé derrière moi. Faut savoir bien se placer en toute circonstance sinon ça pardonne pas. Même à l'intérieur, rien n'est joué. Le coin tranquille est pas évident à trouver. Parfois y'en a pas, d'autres fois c'est qu’on n’a pas été assez rapide, ou alors c'est que ce coin il devient plus bon du tout quand entre un troupeau d'espèces de toutes sortes. Des jeunes, des vieux, des enfants, des mamans, des poussettes, des accordéonistes, des guitaristes, des farfelus, des marginaux, des inquiétés, des inquiétants, des râleurs, des rigolos, des pleurnichards, des prolixes, des laconiques,... tous se poussent et s'entassent dans cet espace confiné. Et alors commence la foire, ça piaille, ça rit, ça pleure, ça chante, ça s'énerve, ça se console, ça se cajole, ça quémande... On peut mettre une croix sur l'espoir d'un trajet tranquille. On s'isole alors le plus possible pour qu'on nous laisse en paix. Et quand bien même on pense réussir à échapper à tous ces représentants divers et variés de la société, le boucan infernal du métro nous rattrape indéniablement. On devient malgré nous des acteurs de cette machine qu'est le métropolitain. Cette pompe qui alimente toute une ville, tous ces organes que sont les entreprises, les hôpitaux, les écoles,... Chacun déambule dans ces couloirs puant l'urine à vous donner la gerbe. On marche, on n’a pas le temps de s'arrêter devant ces futiles publicités, certains courent quand au loin retentit l'abominable sonnerie.

        Pour une fois, j'étais assez peinard à ma place. Y a des moments comme ça où les gens sont las de toute cette mascarade. Je les comprends mais j'irai pas jusqu'à les plaindre. Après tout, ça me fait des vacances à moi aussi. Soudain une espèce d'énergumène entre et se met à faire des aller-retours dans le wagon, une canette de bière à la main. On le dévisage. Les gens ça aime pas voir des comportements inhabituels. Faut que leur petite routine continue, bien sagement, sinon ça les effraie. Le type était juste paumé. Dans le fond, il voulait de mal à personne. Il s'est finalement assis à côté d'une jeune donzelle et lui a causé. Elle savait pas trop quoi lui répondre à tout son charabia imprégné d'alcool. Elle a vite filé à l'arrêt suivant et a été remplacé par un jeune gars. Même scénario. Au final, le type à la bière a serré la main de son voisin et est sorti. Sans doute pour aller vomir son surplus d'éthanol dans une poubelle. Jusqu'à sa sortie, il avait été épié le pauvre bougre. Jugé, catalogué, placé dans la catégorie nuisance par nos chers voyageurs. Ils s'occupent comme ils peuvent.


        Le soir c'est l'un des moments calme. Peu de gens mais peu de métro en contrepartie. Il s'agissait alors de s'occuper dans cette longue attente sur les quais de la une à Châtelet après une correspondance. Un type vient me déranger dans ma lecture, ça m'énerve sur le coup. Faut le dire, à force de se terrer dans son coin face à la populace des souterrains on perd l'habitude de parler aux inconnus du dimanche. Le gars me dit de compter les caméras présentes sur le quai. Une toutes les cinq mètres ! A ce niveau-là plus rien ne m'étonne, j'ai pas réussi à lui faire comprendre ça. Antoine qu'il s'appelait. Pourquoi qu'il me raconte ça à moi ? L'affinité du chapeau sans doute. Bref, il continue à me baratiner sa théorie des caméras. "C'est plus que Big Brother is watching you... Big Brother regarde moi ! On ne dit plus rien face au nombre exponentiel de caméra en France ! Sincèrement vous avez quel âge ? Et en 10 ans vous avez eu l'impression que la délinquance augmentait ?! Que l'insécurité se faisait de plus en plus ressentir ?! Non, hein !... Mais on ne dit rien !... La population aime à se faire filmer ! Inconsciemment sûrement ! Comme si... comme si c'était la preuve de leur existence ! Nous sommes dans un monde qui se virtualise et on s'y habitue ! On devient dépendant de nos téléphones, de nos télévisions, de nos ordinateurs !" J'ai pas écouté la suite, je me suis moi-même perdu dans mes pensées, à ce que j'allais bien pouvoir lui répondre tout en ayant l'air d'être intéressé un minimum. C'est quand même rare qu'on vous parle comme ça à la première rencontre. Il fallait bien que je fasse semblant de m'y intéresser, sinon ça l'aurait vexé. Il a ensuite parlé de l'autorégulation des flux dans le métro. Comme quoi, les flux de personnes se formaient d'eux-mêmes en fonction de la largeur du couloir et du nombre de voyageurs. Il avait même fait sa petite expérience ! "Vous savez, je me suis amusé à remarquer quelque chose ! Si on se décale légèrement vers le flux opposé, eh bien sa largeur diminue au profit du mien !" Y'avait du vrai dans ce qu'il avait dit là. Finalement ça m'a fait passer le temps son petit discours, on était déjà au terminus. Il me serre la main et me dit qu'il espérait à bientôt. J'ai dit oui puis je m'en suis allé, connaissant la probabilité de ce bientôt qu'on m'avait déjà dit tant de fois...

     

    Nicolas


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