• Funeste jeu d'enfant

     

        "En avant ! La voie est libre !" Un jeune homme âgé de 20 ans seulement courait à tout rompre dans un paysage apocalyptique. Il suivait le groupe qui avançait tout droit parmi les décombres. Fiou ! Fiou ! Il était déjà essoufflé, sa jambe le faisait atrocement souffrir, ses oreilles bourdonnaient, un filet de sang coulait le long de son bras. Pourtant il continuait à courir sans relâche vers son indéniable destin. Il suivait ses camarades de fortune dans l'enfer. Il n'avait pas franchement le choix il faut dire par ces temps troubles. Bien sûr il aurait préféré comme toutes les personnes de son âge à se prélasser avec une infinie oisiveté au soleil dans l'herbe douce et verte ou à flirter avec les jolies filles de son village ou encore à faire la fête toute la nuit avec ses amis. Seulement, ce n'était que ruines grises et poussiéreuses tout autour de lui. A la place des douces demoiselles de ses rêves, il flirtait avec des balles sifflantes et invisibles. Certains de ses compagnons étaient étendus face contre terre. On pouvait distinguer un léger sourire sur leurs visages salis par la boue qui semblaient empreint d'un sentiment de libération ou d'apaisement tel le dormeur du val. D'un certain côté, il leur enviait ce repos éternel mais très vite chassa cette pensée de son esprit. Il fallait qu'il continue à avancer, toujours et encore, vers un but inconnu. Il ne savait pourquoi ni pour qui il faisait tout ça. Il avait oublié les raisons de sa présence ici depuis déjà un moment. Tout ce qui importait, c'était d'aller tout droit pour en finir au plus vite et quitter cette boucherie gratuite d'une façon ou d'une autre.
    Tacatacatacata... Un des opposants mitraillait épouvantable dans la rue d'en face. L'ordre était donné de l'abattre. Notre jeune soldat s'était réfugié à l'abri derrière un immeuble. Il y retrouva le Major Rancotte bien planqué qui préparait la riposte.
    "Ah ! Vous voilà Brigadier ! Fixe ! Cette charogne en face nous cause pas mal d'emmerdes ! Vous allez devoir vous en charger. Prenez Arcille avec vous. Pas de pitié avec ce cave en face, compris ?
    - Affirmatif Major !
    - Très bien ! Rompez !"
    Tacatacata... La mitrailleuse continuait d'arroser l'allée. De nouveaux corps jonchaient l'asphalte.
    "Il en a de bonnes le Major ! Il nous envoie à l'abattoir ce sale cochon !" chuchota Arcille tandis qu'ils s'éloignaient de lui.
    Le Brigadier resta silencieux. Il réfléchissait à comment accomplir cet ordre. L'allée était bien trop à découvert pour tenter quoi que ce soit.
    Soudain, un sifflement atroce se fit entendre.
    "Obus ! A couvert !"
    Braoum ! Vrang...! L'explosion fut terrible. Un épais nuage de cendres et de poussières s'était formé. On ne voyait plus rien autour de soi.
    "Maintenant !" cria le Brigadier. Arcille et lui se mirent à courir en direction de l'ennemi. Un papillon virevoltait autour d'eux, symbolisant probablement la fragilité de la vie de ces deux jeunes gens dans cette action désespérée...

        Pendant que j'observais ces pauvres soldats courir vers une mort certaine, il se produisit un phénomène des plus étranges. J'entendis au loin des propos sans aucun rapport avec la situation dramatique à laquelle j'assistais.
    "A table mon trésor !
    - J'arrive maman !"
    Je me rendis compte qu'un enfant se trouvait en face de moi, jouant avec deux soldats de plomb à une guerre imaginaire. D'autres petits soldats étaient éparpillés sur le parquet, comme foudroyés. Un profond sentiment de malaise commençait à s'installer en moi.
    " Pan ! Pan ! Argh ! Arcille, t'es mort !"
    Mon sang ne fit qu'un tour en entendant les paroles prononcées par ce petit garçon. Je le vis lâcher l'un des deux soldats de plomb qu'il tenait dans les mains. J'eus un geste de recul. Ce que j'avais vu tantôt paraissait si réel, comment un être si innocent pouvait créer un aussi grand chaos en mélangeant réalité avec imaginaire ? C'est à ce moment qu'il remarqua ma présence. Il se retourna alors et se mit à me toiser avec insistance. Son regard avait perdu toute son innocence et son espièglerie enfantine. Il était à présent dur, pénétrant et narquois. On pouvait déceler un léger sourire sur le coin de sa bouche qui me semblait familier, le genre de sourire que l'on peut faire quand l'on revoit une vieille connaissance. J'étais pétrifié. Sa personne m'inspirait l'effroi, ce mélange de peur et de fascination. Soudain, il redevint d'humeur juvénile et se mit à faire des chichis pour un oui pour un non. L'absurdité de ce qui se passait autour de moi commençait à me taper sur les nerfs.
    "Vas-tu m'expliquer ce qu'il se passe plutôt que de faire des caprices sale gosse ?!"
    Il reprit alors son air grave mais avec une ironie encore plus marquée que précédemment.
    "Oh Oh ! Faut-il que je te rappelle que mes caprices sont également tes caprices ?"
    Je demeurais interdit, incapable de lui rétorquer quoi que ce soit.
    "Eh bien, par où commencer ?... Certains m'appelleraient sans doute Dieu ou le Destin, ce qui ne serait pas sans me flatter. Cependant, ce n'est pas tout à fait ça. En réalité je suis tes plaisirs, je suis tes désirs, je suis tes envies et surtout je suis tes rêves. Je suis également tes angoisses, je suis ta tristesse, je suis ta colère, je suis ton bonheur et ton malheur. En résumé je suis à la fois un et tout mais en particulier je suis toi !
    - Mais... Comment est-ce possible ?
    - Ah ! Tu poses les mauvaises questions. Il en est ainsi et puis c'est tout ! Mais je vais malgré tout te donner quelques pistes de réflexion, ce sera plus amusant. Te souviens-tu de notre jeune Brigadier que j'envoyais vers un destin tragique ? Eh bien ce petit soldat te représente ! Tu dois certainement te dire que ce ne sont que des galimatias. Et pourtant c'est la vérité.
    - Si je comprends bien, je suis en face de moi-même et ce moi m'envoie vers un futur bien sombre. De plus, tu dis être mes désirs mais je n'ai jamais eu la connaissance de ton existence. Ne serais-tu pas mon Inconscient ou autre aspect de mon esprit ?
    - Appelle-moi comme tu voudras mais je vois que tu comprends vite. Malheureusement je vais devoir couper court à notre intermède. Je te laisse cogiter avec tout ça, c'est déjà suffisant, tu risquerais d'avoir une névrose. Ahahah ! J'espère à une prochaine fois !"
    Le sol se déroba brusquement de sous mes pieds. Je fis une chute qui sembla durer des heures avant d'heurter le sol.

        Quand je revins à moi, je me rendis compte que j'étais tombé de mon lit. Quatre heures du matin, dehors il faisait nuit noire et pourtant je n'avais plus du tout sommeil. Je repensais au rêve que je venais de faire. La nuit va être longue...

     

    Nicolas


  • Commentaires

    1
    PangO
    Lundi 16 Avril 2012 à 21:56
    J'en reste bouche bée, les yeux pleins d'écumes, la tête qui tourne, j'en perd mes repères....un voyage à la lisière des rêves...Vraiment bien, je suis sidéré par l'harmonie de certains passages...bon il reste encore quelques notes à régler, quelques accords à travailler, mais tu es dans la bonne voie...tu es en passe de devenir un grand musicien ;)
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